Le public des stades

Le 15/04/2016

Ahmed Farrah

J’allais dire, le peuple de foot. Mais voilà déjà une éternité que ce n’est plus tout à fait la même chose dans mon pays. Aujourd’hui, la plupart de ceux qui aiment le plus populaire des sports, ne vont plus aux stades. La raison est simple : les temps ont changé, les mœurs aussi. Comme il n y a plus de cinéma, de théâtre et de fête foraine, festoyer en public, est devenu lassant, lourd comme un ciel maussade et monotone. On ne sait plus le faire. Paradoxalement, les jours de l’Aïd sont des plus plats de l’année. Le Mawlid passe inaperçu dans le décor coutumier. La fête appartient au passé, le présent s’est décomposé hier, avant qu’il n’apparaisse à son aube, mais sans lumière. L’acculturation bat son plein. Le civisme est scellé dans les têtes de quelques rares spécimens. L’École pourvoie la rue en milliers d’enfants égarés. Leur monde est fait de virtuel et d’artifice inaccessible. Ces exclus en âge avancé, vivent aux dépens de leurs parents et grossissent de plus en plus les hordes des rues et les bandes de clownerie sans talent. Ils hurlent, dans les rues comme des loups en meute. Ils ne se gênent pas d’approcher les vieillards pour demander du feu, cigarette accrochée au bec. Harceler, braquer les jeunes filles et leur soutirer des sous ou leur arracher des bijoux, quand ils ne font pas la manche est très courant chez ces mecs asexués feignant la bravoure, enrobée de lâcheté. Le monde des adultes les fuit, les évite pour ne pas se mélanger à eux, pour ne pas les voir dans leurs « pitreries » puériles, pour ne pas entendre les grossièretés qu’ils déversent de leur « gueules de chiens marqueurs de territoire ». Les adultes sont plongés dans une philosophie incongrue. Leur choix était déjà défini pour eux, et malgré eux. Le moule sociétal en a fait des statues de terre ensevelies par le temps abimé, comme celles trouvées dans le mausolée enfoui de l'empereur chinois, Qin. Ils sont hors du temps. Ils ne sont plus l’exemple pour des jeunes qui les voient ringards et vieux jeu. Ils n’ont que peu d’ascendant sur eux. Le stade n’est plus leur territoire. Ils se terrent chez-eux pour regarder-jouer à la télévision leurs équipes phares. Le Réal de Madrid ou le FC Barcelone, Bayern Munich, Leicester City … rarement des clubs locaux, la qualité du jeu et des images y est pour beaucoup. Ils se demandent pourquoi les stades algériens d’autrefois, faisaient comble. Parents et enfants allaient chaque week-end, supporter les couleurs du cœur et celles de la raison. Ils ne le font plus parce qu’ils n’ont plus de places dans des arènes appropriées par des hooligans intolérants et violents. Et ils n’ont pas tort, vu ce qui s’est passé ce vendredi à la fin d’un match de football de la honte entre Tiaret et Mascara. Ces imbéciles que la société a renforcé l'ignorance, devraient être condamnés et rééduqués.